États-Unis : Qui seront les grands gagnants du plan Biden ?
L'économie américaine recèle actuellement de nombreuses surprises : un rapport sur l’emploi non agricole largement supérieur aux attentes du consensus vendredi et un plan de relance budgétaire de 1,9 trillion de dollars (~8% du PIB) qui a été adopté sans grande difficulté par le Sénat et la Chambre des représentants. Ce plan contribuera de manière significative à la croissance économique du second semestre 2021 aux États-Unis (de l'ordre de 6 à 8%) et tirera la croissance vers le haut pour certains de ses principaux partenaires commerciaux (Chine et Mexique).
Surprise n°1 : le marché de l'emploi américain se redresse inégalement, mais plus rapidement que prévu
L’emploi non agricole aux États-Unis a eu une augmentation de 379 000 postes en février 2021 (contre 195 000 en janvier, révisé à la hausse de +49 000). Cette augmentation a été plus forte que prévu (consensus 195 000), car de nombreuses entreprises du secteur des loisirs et de l'hôtellerie ont rouvert (+355 000 emplois dans le secteur le mois dernier). La situation reste néanmoins critique, avec 9,5 millions de personnes toujours au chômage par rapport au niveau de l'emploi pré-pandémique (à -6% versus février 2020, cf. graphique 1) et toujours quatre millions de personnes qui ont quitté la vie active.
Toutefois, étant donné la forte proportion de pertes d'emploi dans les secteurs sensibles à la pandémie, tels que les loisirs et l'hôtellerie (plus de 35% du total des chômeurs non agricoles en février), la situation économique pourrait s’améliorer relativement vite. L'emploi devrait rebondir à mesure que l'économie rouvre pleinement.
Graphique 1 : Le plan Biden est destiné aux personnes à faibles revenus qui subissent le plus fort de la crise
Évolution annuelle de l'emploi aux États-Unis en fonction du niveau d'éducation
Sources : Employment Situation Summary - Bureau of Labor Statistics, Indosuez Wealth Management.
Surprise n°2 : le plan fiscal de 1 900 milliards de dollars a été adopté par le Sénat de manière relativement intacte
Le Sénat a adopté ce week-end et la Chambre ce mercredi un plan de 1 900 milliards de dollars. Par rapport à la proposition de loi approuvée par la Chambre des représentants fin février, la législation finale a :
- supprimé l'augmentation du salaire minimum à 15 dollars de l'heure ;
- resserré les plafonds de revenu pour les aides directes ;
- réduit le montant des allocations de chômage supplémentaires (de 400 à 300 dollars) ;
- exonéré de l'imposition sur le revenu certaines prestations de chômage.
Néanmoins, plus de la moitié des mesures du plan initial sont dirigées vers les chômeurs ou les personnes à faible revenu (1 000 milliards de dollars d'aide directe aux familles et aux ménages vulnérables). Les nouvelles aides directes à l'impact économique (EIP) de 1 400 dollars par personne éligible (avec des revenus annuels allant jusqu'à 75 000 dollars) devraient faire monter en flèche la consommation américaine au cours du deuxième trimestre 2021, d'autant plus que les personnes à faible revenu ont généralement une plus forte propension à consommer que les familles plus riches qui peuvent se permettre d'épargner ce montant. L’EIP de 600 dollars envoyé début janvier a eu un impact significatif sur les ventes au détail en janvier (+5,8% par rapport à l'année précédente), notamment sur les détaillants de marchandises générales et hors magasin.
Graphique 2 : Redressement du commerce de détail aux États-Unis – la reprise s’est manifestée en premier chez les détaillants de marchandises générales et les détaillants hors magasins
Variation en glissement annuel des ventes au détail
Sources : US Census bureau, Indosuez Wealth Management.
Résultat : Une reprise tirée par la consommation qui devrait aussi bénéficier aux principaux partenaires commerciaux
Au total, la croissance du PIB américain est estimée entre 6 et 8% en 2021, la relance budgétaire représentant 4% par rapport aux projections sans soutien budgétaire supplémentaire1. C'est une bonne nouvelle pour les détaillants américains, mais aussi pour les partenaires commerciaux des États-Unis, car plus de 20% de la consommation américaine de biens durables (y compris les voitures et les appareils électroniques ménagers) est importée2. Les deux principaux partenaires commerciaux des États-Unis pour les marchandises sont la Chine (19% du total des importations américaines de marchandises en janvier 2021) et le Mexique (14%), et dans une moindre mesure le Canada (12%) et enfin l'Allemagne et le Japon (tous deux à 5%).
Nous pensons que l'impact de l'augmentation de la consommation américaine sera particulièrement visible au Mexique où le poids des États-Unis dans le total des exportations est de 82% (contre 17% en Chine). L'économie mexicaine bénéficiera également de l'augmentation des transferts effectués par les migrants aux États-Unis vers le Mexique (3% du PIB mexicain).
Conclusion : La relance avec un R majuscule
Les espoirs de reprise de la consommation américaine vont bientôt se concrétiser. C'est ce qui a été le principal moteur du mouvement actuel de hausse des taux d'intérêt (le rendement du Trésor américain à 10 ans est proche de ~1,5%), ainsi que de la performance du dollar américain (le DXY a augmenté de plus de 1% depuis début mars) et même d'une partie de la hausse des prix du pétrole (à 68 dollars le baril). Elle peut également être un moteur pour certains marchés d'actions qui bénéficieront de la reprise aux États-Unis (Chine et Mexique), même si les actifs des marchés émergents doivent être traités avec prudence du fait de l’appréciation du dollar américain.
[1] Implications macroéconomiques du plan fiscal de 1 900 milliards de dollars de Biden - Brookings Institution - une organisation de politique publique à but non lucratif basée à Washington DC. [2] Estimations de la Federal Reserve Bank de San Francisco, janvier-2019.
11 mars 2021